Séance du 3 mars 2022.
Exercices sur la réitération.
J’emploie le mot « réitération » pour une reproduction toujours renouvelée, plutôt que les mots « répétition » et « boucle » qui induisent pour moi un affadissement.
- Séquence. Répéter une séquence de gestes jusqu’à ce qu’elle soit maîtrisée. Accélérer pour voir comment cela l’affecte : est-ce plus facile ou plus difficile ? Ralentir jusqu’à déceler chaque élément de la séquence. Comment peut-on faire concourir le corps entier à la séquence ? Quelles formes ce concours prend-il ? La séquence reste-t-elle pareille dans la répétition ou bien change-t-elle ? Si oui, comment ?
- Importance de la couture entre la fin et le début : qu’est-ce qui fait qu’une fin est aussi un début ?
- Quelle énergie se déverse de la fin dans le début ? Comment le nourrit-elle ?
- La couture peut être matérialisée par un lieu.
- La couture peut disparaître au profit d’un mouvement perpétuel à l’instar des corps célestes.
- Donner à voir. Présenter à tour de rôle la séquence aux autres : une première fois silencieusement ; une deuxième fois en la commentant.
Exemples.
- Trois pas vers l’avant accompagnés d’un geste du bras gauche qui monte en panache et d’une profonde inspiration ; trois pas vers l’arrière qui se terminent par le bras gauche logé dans la courbure lombaire, le torse contraint, la respiration bloquée ; réitération.
- Marche décontractée, sautillante, badine à travers la largeur de la salle qui aboutit à la fenêtre par laquelle le regard scrute l’horizon ; retour en marche arrière jusqu’à la moitié du parcours ; retournement ; quelques pas de moonwalk ; un regard ahuri souligné des mains apposées sur les joues ; réitération.
- Marche arrière circulaire, côté gauche vers l’extérieur avec une contralatéralité accentuée : lorsque le pied gauche se pose à l’arrière, le bras gauche se tend vers le haut et lorsque le pied droit se pose à l’arrière, le bras droit descend en tire-bouchon. Cela permet à l’énergie de circuler par des torsions inverses des épaules et du bassin, par un passage de relais entre la gauche et la droite ; la tête cherche sa place et la trouve en se relevant.
Remarque.
- Les exemples ont mis en évidence la différence entre une danse théâtralisée dans laquelle le mouvement est pris dans une narration, d’une part, et une danse concrète dans laquelle le mouvement est lui-même la matière de la narration d’autre part. Dans le premier cas, le spectateur est en empathie avec le personnage élaboré ; dans le deuxième avec le corps incarné.
- Duos. Former des paires. Chacun·e répète sa séquence de gestes tout en étant en connexion avec la séquence répétée de l’autre. Maintenir la complexité de faire une chose tout en prêtant son attention à une autre chose. Comment cela nous affecte-t-il ? Que se passe-t-il ?
Exemples.
- Difficulté à maintenir la concentration lorsque les mouvements se déshabillent de leur intention pour n’être plus qu’eux-mêmes dans un abandon juste et précis. Volonté d’interaction qui perturbe aussi le cycle des répétitions. La couture de la fin avec le début prend de plus en plus d’importance et produit une temporalité propre, un battement de cloche.
- Un motif qui se maintient tout en étant affecté par l’autre dans sa vitesse. Les orbites sont contraintes, les désirs inassouvis, le contact visuel est difficile. Qu’a-t-on à donner et à recevoir ? L’expectative ralentit ; la rupture accélère. On peut se faire un film : dans un far-west fantasmé, un cheval bleu trotte autour d’une pompe à eau à la mécanique huilée.
- Ensemble (exercice non fait). Refaire l’exercice précédent tou·te·s ensemble.
- Les propriétés de la réitération (exercice non fait) :
- persistante/évolutive ;
- toujours à la même échelle/en réductions successives/en agrandissement successifs ;
- simple/complexe ;
- circulaire/linéaire ;
- superficielle/profonde.
Notes manuscrites.